Alors que le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel sont engagés dans un bras de fer sur l'avenir de la Banque centrale européenne (BCE) et les moyens de sortir la zone euro de la crise, des responsables politiques français reprennent un vocabulaire qui appartenait à la génération de leurs parents ou de leurs grands-parents.
Un des chefs de file de la gauche socialiste, Arnaud Montebourg, a ainsi accusé Mme Merkel de vouloir "tuer l'euro" et de mener "une politique à la Bismarck". "La question du nationalisme allemand est en train de resurgir au travers de la politique à la Bismarck de Mme Merkel", a lancé M. Montebourg.
"Le moment est venu maintenant d'assumer la confrontation politique face à l'Allemagne et de défendre nos valeurs", concluait M. Montebourg.
Un intellectuel français de renom, Emmanuel Todd, a lui évoqué dans la presse l'"ivresse de puissance" et la "rigidité mentale" de l'Allemagne.
Le député de Paris Jean-Marie Le Guen avait affirmé que la rencontre entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel sur la crise de l'euro, c'était "Daladier à Munich", où Français, Britanniques et Italiens en 1938 signèrent avec Hitler des accords permettant l'annexion des Sudètes, en Tchécoslovaquie.
Attaqué notamment par le député européen de nationalité allemande Daniel Cohn-Bendit, M. Montebourg s'est défendu de toute germanophobie et a souligné que sa comparaison lui avait été soufflée par Sigmar Gabriel, le président du SPD allemand.
De son côté, Marine Le Pen, présidente du Front National (extrême droite) a dénoncé "l'annonce d'une Europe à la schlague, c'est-à-dire l'Europe qui entraîne la perte de notre souveraineté".
Au-delà des propos germanophobes, le discours de la classe politique française est teinté de références à la guerre: "capitulation", "diktat", "casus belli".
Interrogé par l'AFP, le politologue Pascal Perrineau estime que ces propos s'expliquent "à la fois par la crise et par l'excitation électorale".
Selon lui, le sentiment de germanophobie, "fort dans les années 50, s'était beaucoup atténué. Mais il y a en France des pesanteurs culturelles, qui font que certains ressorts de xénophobie peuvent être réveillés. Attention !", a-t-il lancé.
Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, dénoncé les socialistes qui "prennent les risques de ressusciter en France les vieux démons de la germanophobie".
"+Nationalisme allemand+, +politique à la Bismarck+, +droite prussienne+. L'emploi de ces termes fait froid dans le dos. Il est honteux, par hargne partisane, de fragiliser notre acquis le plus précieux: la réconciliation, l'amitié franco-allemande", a-t-il ajouté.
Pierre Moscovici, un proche du candidat socialiste à la présidentielle François Hollande, a assuré que la gauche ne devait pas "ranimer des relents et des sentiments anti-allemands".
L'intervention de M. Moscovici apparaît comme un recadrage, à deux jours d'une visite de M. Hollande au congrès du SPD à Berlin. Et de marteler que "le couple franco-allemand est plus que jamais nécessaire pour sortir de la crise en Europe".
A Bruxelles mercredi, François Hollande a critiqué les propositions allemandes de changement des traités européens en vue d'un durcissement de la discipline budgétaire.
Selon un sondage publié vendredi, quatre Français sur dix considèrent que Nicolas Sarkozy n'est "pas assez ferme" face à Angela Merkel sur la crise de la zone euro.
Si M. Hollande gagne en mai 2012 "ce sera passionnant d'observer comment il fera pour imposer à Berlin les attentes de la gauche française", a noté le quotidien bavarois Süddeutsche Zeitung.