Plusieurs mois avant la prise de la Bastille et le début de la Révolution française, la colère gronde chez le petit peuple des villes et des campagnes. Les
revendications sont essentiellement économiques et sociales. La politique sera l'affaire de la bourgeoisie et de la noblesse éclairée.
Tout commence au tournant des années 1785-1787. Le royaume est en pleine crise financière aboutissant
à la retentissante banqueroute d'août 1788. En quatre ans la hausse des prix est de l'ordre de 62%. Sur les vingt-quatre millions de sujets de Louis XVI, se sont les vingt-trois millions
et demi appartenant au tiers état qui sont les plus touchés. À l'époque les couches populaires dépensent la moitié de leur budget pour leur pain quotidien. Or le prix du blé a flambé et
l'État désargenté multiplie les pressions fiscales.
Le Dauphiné est alors le théâtre d'une industrialisation moderne: métallurgie, papeterie, textile. Les
vingt-trois mille habitants de Grenoble sont sous la coupe d'une vingtaine de familles commerçantes. Dès 1786, l'administration royale tente de supprimer les avantages fiscaux du
Dauphiné. Le parlement local, qui est une cour judiciaire d'enregistrement des édits royaux, refuse cette réforme fiscale le 9 mai 1788. Le lendemain, le lieutenant général, sorte de
préfet de l'époque, ferme le parlement et des mandats d'amener, les fameuses lettres de cachet sont lancés contre les parlementaires. Le peuple de Grenoble, qui a déjà bien du mal à
joindre les deux bouts, s'oppose à l'arrestation de ceux qui ont refusé la nouvelle pression fiscale. Deux bataillons de soldats sont dépêchés sur la place d'arme et un manifestant est
tué.
Aussitôt les artisans, boutiquiers et ouvriers montent sur les toits de la ville et bombardent de
tuiles les troupes du Royal Marine et du comte de Clermont-Tonnerre. L'émeute durera six heures. Cette "Journée des Tuiles" débouche peu après sur l'assemblée de Vizille. Pour la première
fois les représentants du tiers état sont aussi nombreux que ceux de la noblesse et du clergé. Ce sont donc bien les prémices des États Généraux et du début de la Révolution. À la même
époque Dijon, Toulouse, Pau et Rennes connaissent de pareils affrontements.
Mais c'est à Paris que la révolte ouvrière reprend de plus belle. Dans les ateliers et les
manufactures, les compagnons, les apprentis et les ouvriers (ces derniers astreints au livret n'ont pas le droit de quitter leurs employeurs) triment 14 à 16 heures par jour pour 20 sous.
Une miche de pain vaut alors 2 sous et sur six-cent-cinquante mille Parisiens, cent-vingt mille sont au chômage et vivent dans l'indigence. Dans ce contexte explosif, le manufacturier en
papiers peints Réveillon déclare qu'un ouvrier peut bien vivre avec 15 sous par jour.
Le 27 avril 1789, ses employés rejoints par le peuple des faubourgs manifestent. Le lendemain ils
mettent à sac deux maisons. Les hommes de la prévauté tirent. Le pavé rougit. Une semaine plus tard des États Généraux s'ouvrent à Versailles. Deux mois après les Parisiens prennent la
Bastille.
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